mercredi 8 février 2012

La posture de l'arbre : Zhanzhuang

Texte de Fabien Maillé


Marceau Chenault « La posture de l'arbre : Zhanzhuang »


Marceau Chenault est un chercheur d'origine française, actuellement post-doctorant à l'Est China Normal Université, à Shanghai. Il est un spécialiste de l'éducation motrice, et porte une attention particulière aux techniques du corps dans le Qigong et à leur pratique en Occident. 


Après un bref historique des techniques du souffle (le Qi), qui se seraient développées à travers différentes traditions martiales pour finalement donner naissance à un ensemble de pratiques corporelles dans lesquelles puisa le Qigong, l'auteur se propose de donner un aperçu contemporain d'un exercice en particulier, le Zhanzhuang, très éloquent sur la mentalité de cette pratique si populaire aujourd'hui qu'est le Qigong. À cette fin, il présente trois observations différentes de cet exercice et de ses finalités : 



La première se fait sous le prisme de différents ouvrages de vulgarisation. Selon eux, la « posture de l'arbre » vise à intérioriser une discipline physique, qui, intégrée à force de pratique, permet une meilleure circulation du flux énergétique, en l'occurrence le Qi. On cherche ici à adopter une posture statique permettant une connexion puissante avec son environnement, afin de s'intégrer en tant que microcosme à une dynamique supérieure, celle qui régit l'univers. Comme le fait remarquer Chenault, on peut être frappé par la prégnance de la cosmologie taoïste dans la vision qu'ont les auteurs du rôle de l'exercice Zhanzhuang. Ici la spiritualité n'est pas une finalité, mais davantage une prémisse à la compréhension et à la pratique de cette technique. 


L'auteur présente ensuite la pratique du Zhanzhuang dans un centre auvergnat d'arts martiaux. L'exercice de la « posture de l'arbre » y tient une place d'importance, étant donné qu'il est pratiqué au début de chaque journée, avant tout autre exercice martial. Dans ce contexte martial, le Zhanzhuang vise à créer une unité corporelle, mais aussi à unité du corps avec le sol – on insiste ici sur l'idée « d'enracinement ». On cherche donc à faire du corps un tout « uni et souple » parfaitement disponible à l'esprit, à des fins soit offensives, soit défensives. 


La dernière perspective proposée par Chenault est celle des pratiquants eux-mêmes, qu'il divise ici en quatre grandes finalités différentes attribuées au Zhanzhuang.
La première est d'ordre martiale et où, comme décrit plus haut, la posture permet l'unité du corps afin de favoriser une concentration d'énergie, qui pourra être libérée au bon vouloir du pratiquant. Ici l'exercice vise à acquérir cette maîtrise de l'énergie (Qi), tout d'abord en apprenant à la faire circuler sans obstacle à travers le corps (l'idée d'homogénéisation corporelle), puis en étant capable de l'orienter consciemment. Chose intéressante, l'auteur fait remarquer que certains de ses informateurs avaient tendance à traduire les effets de cette pratique en des termes scientifiques, peut-être pour fonder de façon plus occidentale l'efficience du Qigong. 
La seconde à des visées thérapeutiques. L'influence de la conception traditionnelle chinoise du corps est ici encore plus flagrante. La posture garde toujours son rôle de catalyseur du Qi, mais il permet aussi de détecter d'éventuels blocages dans sa circulation, ce qui peut révéler certains déséquilibres dans le corps (au niveau d'un méridien ou d'un organe), qui peuvent être rétablis grâce à une pratique régulière de l'exercice. 
La troisième finalité de cet exercice est d'ordre spirituel. On vise ici à établir un équilibre intérieur pour se mettre en symétrie avec une « dimension autre que soi », comprendre l'univers tel que l'entend la cosmologie traditionnelle chinoise. 
Le dernier objectif possible du Zhanzhuang est le « mieux-être ». La posture est ici réduite à une pratique gymnique, qui permet de surmonter des émotions désagréables (fatigue, stress) ou d'en générer d'agréables. Malgré tout, cette visée ne rejette pas le rôle du Qi, ni le travail en « amont » que permet cette posture (développement d'un meilleur état d'esprit à travers le bien-être, p.e.).


Au regard de cette incroyable variété d'utilisations et de finalités d'un même exercice, on constate qu'il persiste dans chacune d'elle une forte dimension spirituelle, bien qu'elle soit là aussi très variable. Sa profonde inspiration de la cosmologie religieuse chinoise donne au Qigong une dimension, ou tout du moins un potentiel, fortement spirituelle à sa pratique.

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