Texte de Fabien Maillé
Vincent Goossaert, Le destin de la religion chinoise au 20e siecle.
Le texte que nous allons présenter est rédigé par Vincent Goosaert, historien, professeur invité dans différentes universités – européennes comme chinoises – et directeur de recherche au CNRS. Il s'intéresse avant tout à l'histoire sociale de la religion chinoise moderne, et plus particulièrement au taoïsme.
L'article décrit ici porte principalement sur un phénomène peu étudié selon l'auteur, qu'est la destruction massive de la religion chinoise dans la première moitié du 20e siècle, phénomène pour lui essentiel à la compréhension du statut et de la physionomie de la religion chinoise moderne.
Cette politique de destruction trouve son origine dans le bouillonnement et l'effervescence qui gagne la Chine, alors que cette dernière cherche à se réformer et tente d'évaluer à quel point elle doit se plonger dans la modernité. Ce pas vers la modernité tend à poser la question pour l'état chinois de « qu'est-ce que la religion chinoise, ou qu'est-ce que doit être la religion chinoise » ? Ce questionnement mena donc à une rupture – que l'auteur incarne dans une réforme de 1898 qui visait à faire du confucianisme une religion d'État au sens occidental du terme – entre la conception que l'on peut qualifier de traditionnelle de la "religion" chinoise (qui n'excluait pas les conflits d'ordre religieux et l'anticléricalisme, mais qui ne concevait pas l'idée d'une séparation tangible entre État, société et religion), et celle moderne, qui fut fortement inspirée des influences occidentales, en terme d'idéologie, de religion ou de science. Mais on ne trouve pas d'unité idéologique dans ce mouvement réformiste, qui gagne en extrémisme et au fur et à mesure du temps. On voit donc initialement l'émergence de mouvements tel que le « Miaochan banxue » (« construire les écoles avec les biens des temples ») et ensuite l'apparition de mouvements, surtout à partir de l'avènement du Guomindang, qui prônent carrément la destruction sans distinction de tous les temples.
Dans les faits, la destruction et l'expropriation des temples varient fortement en fonction de la situation locale, selon l'activisme des fonctionnaires. Mais l'amplitude de ces exactions va surtout dépendre des réformes législatives de cette époque.
Les formes que prirent les législations touchant à la question de la religion sont intrinsèquement liées à l'introduction de la notion de religion en Chine. Les premières lois manquaient alors de clarté, laissant libre cours aux ambitions modernisatrices de certains fonctionnaires, en faisant des temples des écoles, des commissariats ou des bureaux de poste. Mais l'arrivée au pouvoir du Guomindang clarifia quelque peu la question de la religion. Ces nouvelles lois émises par le Guomindang furent en grande partie une tentative de classifier le phénomène religieux en Chine, avec d'un côté les religions (par exemple le taoïsme et le bouddhisme, qui par ce statut se trouvaient protégés par la loi de toutes violences) et de l'autre les superstitions (qui incluent toutes les pratiques locales, qui sont d'une certaine manière l'essence de la religion chinoise tel que pratiquée alors). Elles bannissent également un certain nombre de pratiques (par exemple les différentes formes de divination, l'astrologie, les guérisons par les dieux, etc...) et tendent à appuyer l'uniformisation des mariages et des enterrements selon un modèle moderne.
Cependant, ces confiscations et ces violences iconoclastes ne sont pas sans réponses de la part des pratiquants, et prennent souvent la forme de révoltes, qui tendent à discréditer la religion chinoise (au sens traditionnel du terme), en faisant d'elle la source d'une instabilité sociale et politique.
En guise de conclusion, l'auteur souligne deux choses. Tout d'abord, il définit la situation religieuse de la Chine actuelle comme n'étant pas le fait du communiste, mais comme la continuité d'une tendance dont les racines remontent aux politiques instaurées par le Guomindang. D'autre part, il propose une courte critique des sciences des religions chinoises, auxquelles ils reprochent de conserver une vision très proche de celle des mouvements réformistes qui considérés les « formes fondamentales de la religion chinoise comme du "folklore" ».
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