samedi 21 janvier 2012

Le concept de religion en Chine et l'Occident


Texte de Marie-Ève LeCabe


Vincent Goossaert, "Le concept de religion en Chine et l'Occident"  


Né en 1969, Vincent Goossaert s’est intéressé à l’histoire de la formation du groupe taoïste Quanzhen entre 1170 et 1368 dans sa thèse. Il a aussi travaillé, entre autres, sur les temples chinois, l’anticléricalisme en Chine et l’histoire du clergé taoïste de Pékin. Il est membre du groupe de recherche sur la Sociologie des Religions de la Laïcité à Paris et de plusieurs comités de lecture comme celui de la Revue Bibliographique de Sinologie ou celui des Archives des Sciences Sociales des Religions.


En 2004, dans ce texte, Goossaert s’intéresse à l’histoire de la question religieuse depuis la fin du 19e siècle et croit qu’il faut examiner l’ensemble des réalités religieuses pour bien saisir la situation et la relation conflictuelle entre les organisations religieuses et l’État. Il souhaite démontrer l’importance du concept de religion en Chine, autant dans sa définition que dans ses conséquences sociales. Il développe sur les quatre aspects suivants : les structures religieuses, le concept de religion, la politique religieuse et la réinvention des religions.



D’abord, l’auteur présente la situation des structures religieuses au début du 20e siècle. L’auteur identifie «la religion chinoise» comme un système uni et non exclusif engobant toutes les formes de la vie religieuse en Chine (sauf les trois religions monothéisme) : les pratiques individuelles et collectives, les cultes locaux, la religion sacrificielle antique, le confucianisme, le taoïsme, le bouddhisme, les sectes. Ainsi, la religion chinoise existe sans qu’on puisse la désigner. Il présente également les caractéristiques communes des trois religions institutionnalisées (le confucianisme, le bouddhisme et le taoïsme) et les façons d’adhérer aux communautés religieuses.


Ensuite, Goossaert décrit que le concept de religion en Chine est en contradiction avec la vision occidentale (par exemple, les individus adhèrent à plusieurs communautés de culte). Il croit que l’usage des  mots zongjiao (religion) et mixin (supersition), dès 1901, furent une coupure historique radicale. Avant 1911, la religion est acceptable et jugée comme positive pour l’unité nationale, alors que la superstition est condamnée. Par la suite, même si l’État reconnaissait la liberté religieuse, des restrictions et des répressions furent mises en place.


Puis, l’auteur se penche sur cette politique religieuse, qui est pour lui la tentative par l’État de contrôler les religions et de réduire le champ légitime de ce qui est «religieux» avec des notions extérieures mal adaptées au contexte chinois. Ainsi, premièrement, depuis 1912, l’État ne reconnait que cinq religions (le catholicisme, le protestantisme, le bouddhisme, le taoïsme et l’islam). Ces religions, même si elles pouvaient connaitre des contraintes, ont pu s’organiser. Goossaert constate qu’aucune organisation n’a émergé pour défendre les cultes locaux et traditionnels auprès de l’État, qui a d’ailleurs voulu les limiter ou les supprimer. Deuxièmement, il est difficile pour les chercheurs de tracer une ligne claire entre religion et superstitions sur le terrain. Pour l’auteur, ces deux termes sont indissociables. Il remarque qu’on parle maintenant de minjian xinyang (croyances populaires) et qu’elles sont largement répandues. De plus, le néologisme xintu (fidèle), qui est apparu depuis un siècle, détermine la foi comme étant le critère d’appartenance religieuse, mais il s’adapte mal à la réalité chinoise. Les statistiques  sont donc peu fiables, puisque ce ne sont que les cinq religions qui les publient et que le bouddhisme et le taoïsme considèrent seulement le clergé comme étant croyants.


Finalement, Goossaert montre que concept de religion a un impact en Chine sur les communautés religieuses elles-mêmes qui se sont redéfinies grâce à cela. De la sorte, les confucianistes ont des débats concernant le caractère religieux ou laïc de leur tradition. Les bouddhistes et les taoïstes, quant à eux, ont intégré dans leurs discours des notions occidentales liées à la religion. Les deux religions sont aussi en évolution constante, des courants idéologiques divergents apparaissant (comme le fondamentalisme ou la laïcisation). Goossaert montre aussi que les mouvements sectaires sont aussi très présents dans la société et le régime communiste a tenté de les récupérer dans le cadre du gigong (la gymnastique traditionnelle) pour supprimer la forme religieuse, mais que ce fut sans succès. De plus, il y a également un impact au niveau social. Ainsi, les discours sur l’opposition entre la religion et la superstition et sur la supériorité de la religion, entendus par la population fidèle à l’organisation traditionnelle a fait que cette dernière a intégré le mot «superstition» dans son vocabulaire comme étant ce qui désigne une religion locale (au-dessous d’une autre religion plus officielle englobant toutes les variantes locales). En guise de conclusion, l’auteur montre que la Chine n’est pas un cas à part, car plusieurs pays ont été influencés par les notions occidentales, mais que sur le terrain, la réorganisation religieuse a été remarquable et radicale.


Ce texte est intéressant, car il résume bien que le lien de la Chine avec la religion est hybride, complexe et particulier, car très influencé par l’occident. Il est une bonne introduction sur la situation religieuse chinoise, sur le fait que la religion est pensée différemment par l’État, les organisations religieuses (même si l’auteur ne développe pas sur chacune) et par la population.

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