dimanche 16 septembre 2012

Une lignée militante : le Falungong


Résumé du texte de David A. Palmer : « Une lignée militante : le Falungong ».  

Texte de Fabien Maillé

Ce texte, issu de la thèse de l’anthropologue David Palmer, porte avant tout sur le devenir du monde Qigong dans le courant des années 90, c’est-à-dire durant la période où les grandes lignées, qui avaient dominé pendant les décennies précédentes, connaissent un important déclin, et où une nouvelle lignée émerge et affirme sa domination. Il est bien sûr ici question du Falungong, qui connaît ses premiers succès en 1992 et se lance dans une ascension fulgurante, que l’on peut en partie expliqué par la transparence de ses structures (le mouvement rejette en effet la structure très bureaucratique des autres grandes lignées), ce qui ne manque pas de favoriser l’adhésion de pratiquants déçus par leur expérience dans les autres lignées du Qigong. 

L’auteur se lance ensuite dans une exhaustive présentation de la doctrine de Li hongzi, condensée dans le Zhuan Falun, ouvrage qui changea définitivement la nature du Falungong et où « l’idéologie religieuse remplace la pratique corporelle comme noyau » du mouvement. La lecture et l’apprentissage des grands principes énoncés par le Maître deviennent alors les éléments centraux de la pratique du Falungong. Cette doctrine prône l’exclusivité de la pratique (rejet donc des autres lignées), mais aussi de la croyance (rejet des religions), le seul véritable moyen d’obtenir le Salut étant de suivre les préceptes dictés par le Maître, messie apportant la grande Loi (une cosmologie inédite associée à des pratiques qui permettent le Salut) à l’homme, être égaré et aveuglé par une science moderne qui incarne le summum de l’immoralité. 



Palmer poursuit par une brève comparaison entre le Falungong et les lignées plus « classiques » du Qigong. Il en ressort deux éléments importants : en premier lieu, le Falungong insiste bien davantage sur la dimension spirituelle de la pratique, il n’est plus question d’hygiène ou de thérapie, mais bien de sauver l’individu d’une apocalypse à venir. Deuxièmement, la structure du Falungong fonctionne de manière quasi-directe, sans intermédiaire pouvant déformer l’idéologie dispenser : la sacralité des propos du Maître permet une liaison directe entre le disciple et le Maître, et assure ainsi le contrôle que ce dernier a de la doctrine, favorisant l’unité et l’uniformité du Falungong. La doctrine est faite de telle manière, qu’elle prévoit que toutes décisions et que tout gain monétaire revient ultimement à Li hongzhi. 

En parallèle de ce succès grandissant du Falungong, le monde Qigong est victime d’une importante campagne de salissage à partir de 1995, réaction que l’on peut imputer aux excès des maîtres de certaines lignées. L’ACESQ (association nationale du Qigong) se lance dès lors dans une restructuration en profondeur visant à centraliser le monde du Qigong, afin d’en assurer un plus grand contrôle par les différentes institutions de l’État (principalement les instances sportives et médicales). On délimite alors l’utilité du Qigong, qui se voit attribuer un rôle avant tout hygiénique et thérapeutique. L’enseignement se voit lui aussi fortement réglementé, et il devient nécessaire de passer par l’administration pour obtenir l’autorisation d’enseigner le Qigong. Ainsi, le gouvernement souhaite renforcer sa surveillance et sa tutelle sur les différentes organisations du Qigong. Il s’en suit bien entendu, surtout à partir de 1996, une véritable purge dans le monde du Qigong, où les maîtres suspectés d’être des charlatans sont aussitôt arrêtés et leurs centres de pratiques, fermés. C’est d’ailleurs à cette époque que le Falungong se désaffilie de l’ACESQ, qui elle-même n’est plus qu’un intermédiaire impuissant entre l’État les organisations de Qigong. 

Au lendemain de cette réforme radicale du monde du Qigong, le Falungong commence à essuyer ses premières attaques de la part de la presse chinoise qui s’en prend à son livre sacré, dont l’impression en vient même à être interdite. C’est en réaction à cette première agression que le Falungong va en venir à l’activisme. Et comme toujours, la marche à suivre se doit d’être dictée par le Maître : face à cette attaque contre leurs croyances, Li Honzhi décrète que la défense du mouvement est une composante essentielle de l’ « ascèse » (tous les éléments de la discipline que doivent s’imposer les fidèles pour devenir des hommes supérieurs), résister constitue même une épreuve « pour séparer le grain de l’ivraie » au sein du Falungong.  Les membres répliquent alors en envoyant des plaintes contre les journaux qui avaient émis des critiques, demandent à répétition des excuses à ces derniers, et en viennent parfois à manifester devant leurs bureaux. Étonnement, les journaux cèdent, se rétractent. Car c’était sans compter la grande influence qu’a encore le Falungong dans l’administration et le groupe a même, pendant un temps, l’espoir d’être reconnu par l’État. Mais les manifestations des fidèles prenant encore de l’ampleur, la répression s’accentue et le 19 avril 1999, 45 membres sont arrêtés à Tianjin. S’en suit la fameuse manifestation devant le Zhongnanhai, qui déclenche une répression démesurée contre le Falungong. 

Les lieux de pratique sont dès lors fermés, les responsables arrêtés en masse, tout comme les pratiquants récalcitrants. Le gouvernement déclare le Falungong illégal et l’on promet une récompense pour l’arrestation de Li Hongzhi. S’en suit une longue campagne de propagande contre le mouvement. Conscient de la menace que le Falungong a pu constituer, le gouvernement resserre encore davantage les réglementations touchant au Qigong, interdisant l’existence d’organisation pan-chinoise et assure un encore plus grand contrôle des pratiques et du contenu de l’enseignement.

Malgré cette éradication des structures du Falungong, le mouvement persiste de façon souterraine, tout comme les lignées qui avaient disparu après les réformes que connut le monde Qigong. Mais il reste que le mouvement de Li Hongzhi s’est attiré l’inimitié des autres lignées, qui le considère comme « responsable d’avoir attiré les foudres de l’État sur l’ensemble du Qigong ». 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire