vendredi 8 mars 2013

Le qigong et la tradition sectaire chinoise


"Le qigong et la tradition sectaire chinoise," par David A. Palmer, 2003, Social Compass, 471-480.
Texte par Gabrielle Hui St-Aubin

David A. Palmer est un anthropologue, diplômé de l’Université McGill, ayant publié de nombreux livres sur les différents mouvements religieux présents dans la Chine moderne. En plus d’avoir obtenu son doctorat à l’École Pratique des Hautes Études sur l’histoire et l’anthropologie de la religion chinoise, en 2002, il est responsable et membre de plusieurs centre d’études sur la Chine, dont celui de Hong Kong (L’EFEO), du GSRL (Groupe Sociétés, Religions, Laicités - EPHE/CNRS) et du CECMC (Centre d’études sur la Chine moderne et contemporaines). Plus récemment, en 2011, il a co-publié, avec Vincent Goosaert, The Religious Question in Modern China, une synthèse portant sur les rapports entre la politique et la religion en Chine. 

Dans cet article, Palmer émet « l’hypothèse de liens existant entre le qigong et une nébuleuse de groupes, souvent appelés "sectaires" dans la littérature savante et aussi connus sous le nom de "Lotus Blanc". » (Palmer, 2003, 471-480) De plus, grâce à une comparaison de l’idéologie, des pratiques et de la structure de ces groupes, celui-ci conclut finalement que le qigong est  « une expression moderne de la tradition chinoise de sectarisme populaire. » (Ibid.) 

Afin de démontrer son hypothèse, l’auteur débute d’abord en affirmant que le conflit du falungong versus l’État chinois, en Chine moderne, est un conflit récurrent « dans lequel un mouvement de religion populaire, réprimé par le pouvoir central, devient une organisation de contestation religieuse » (Ibid.) et donc, une « secte ». Terme notamment utilisé au sens sociologique, c’est-à-dire, afin de désigner une forme particulière d’organisation religieuse. 

En effet, ce mouvement populaire, depuis sa création, fut persécuté à maintes reprises par l’État chinois, et plus particulièrement vers la fin de l’année 1999. Fondé vers la fin des années 1940 par des cadres du Parti communiste chinois, cette méthode thérapeutique, aussi appelée "travail du souffle", connu son premier essor, en autre grâce à la création d’établissements médicaux de qigong, mais fut rapidement réprimé, lors de la Révolution culturelle. Réinstauré en 1979, suite à la mort de Mao Tsé-toung, le mouvement refit surface et fut propulsé à travers la Chine entière, à l’aide de grands maîtres charismatiques enseignant des méthodes de qigong, toutes aussi plus complexes et évoluées les une des autres, et ce, à des dizaines de millions de chinois adeptes. Devenant de plus en plus populaire, structuré et surtout, hors de contrôle pour le gouvernement chinois, c’est finalement, en 1999, que celui-ci lança une immense campagne visant à démanteler chacune des sphères reliées à cette pratique.  Dès lors, le falungong devint soudainement une société sous-terraine et secrète qui réussit, malgré tout,  à persister dans le monde du "sectarisme".
Selon plusieurs études, le  "sectarisme" « offre un moyen aux individus de participer de manière consciente à la grande tradition chinoise, qui est pratiquement fermée à l’homme ordinaire qui n’est pas moine ou mandarin », l’adhésion à une secte est donc un acte volontaire et individuel, qui adhère à une cause commune et dont l’intensité peut cependant varier selon le groupe et l’individu. De plus, l’autorité est charismatique et les liens entre adeptes sont égaux. (Hervieu-Léger, 2001 :142) Grâce à cette définition, on peut donc conclure que les lignées du qigong, ainsi que les groupes de "sectes méditatives" de l’époque des dynasties Ming et Qing y correspondent tous, ou presque. Et ce, à plusieurs niveaux.  
En conclusion, le monde du qigong est donc définitivement un mouvement moderne, qui s’est distinguée et qui est étroitement lié au passé des différentes sectes présentes au XXIème siècle. En autre, grâce à sa structure particulière, à ses nombreuses pratiques, et surtout, sa volonté de démocratiser certaines traditions et certains symboles reconnus dans la "grande tradition" chinoise. Finalement, en voulant éliminer ce mouvement populaire, l’État chinois à donc encouragé la propagation de pratiques centrées sur le corps, ainsi que « l’émergence d’une religiosité moderne exprimée par un engagement individuel et volontaire des trajectoires personnelles  "en mouvement " (Hervieu-Léger, 1999), un phénomène encore plus grandiose et incontrôlable que celui des religions dites  "orthodoxes ". 





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