samedi 9 février 2013

« Le destin de la religion chinoise au 20e siècle »

Texte de Fabrice Tô

Vincent Goossaert, « Le destin de la religion chinoise au 20e siècle », Social Compass, 50(4), 2003, pp. 429-440

     Vincent Goossaert est un historien, directeur d’études à l’EPHE et directeur adjoint du GSRL (Groupe Sociétés, Religions, Laïcités, EPHE-CNRS). Il a été professeur invité à l’Université de Genève, à la ChineseUniversity of Hong Kong et à l’Université du Peuple (Renmindaxue) à Pékin. Il travaille sur l’histoire sociale de la religion chinoise moderne, et s’intéresse particulièrement au taoïsme, aux spécialistes religieux comme métier et rôle social, aux politiques religieuses, et à la production des normes morales.

    Pour commencer, l’auteur débute en expliquant la destruction massive au 20e siècle de temples et d’objets religieux en Chine. Il note aussi le peu d’écrits d’historiens chinois qui vont traiter de cette destruction, principalement parce que le gouvernement est très sensible à la question, mais aussi parce que beaucoup d’intellectuels sont antireligieux et encore influencés par l’époque de la révolution. La particularité des religions chinoises est sa nature englobante. En effet, il n’est pas rare de trouver des temples comportant plusieurs cultes comme le confucianisme, le taoïsme, le bouddhisme ainsi que plusieurs formes de sectes. Bien évidemment, le christianisme, l’islamisme et le judaïsme sont exclus de ces communautés dogmatiques puisque ces religions recherchent l’exclusivité de la vérité. De plus, si l’on considère l’ensemble de ces cultes comme faisant partie d’une religion chinoise, on voit clairement qu’il n’existe pas de texte fondateur, ce qui fait de la religion chinoise une des moins étudiées par les départements de science religieuse.


    L’auteur démontre peu à peu l’importance de l’anticléricalisme en Chine. De plus, grâce à l’analyse du mémoire de Kang Youwei, qui décide en 1898 de transformer les temples chinois en écoles, on parvient à comprendre comment cette destruction progressive des temples et des lieux de cultes chinois va se produire. On voit le passage petit à petit d’une mentalité de réforme de la religion à une pensée d’éradication de celle-ci. On s’attaque aux superstitions de plusieurs façons, dont la littérature. Selon l’auteur, deux modes de pensée vont commencer à voir le jour. Le premier affirme que le confucianisme n’est pas une religion, donc la Chine ne possède pas de religion. Le deuxième est que la Chine se doit de trouver une religion d’État pour concurrencer avec le modèle occidental. C’est exactement le projet de Kang Youwei, qui voulait réformer le confucianisme pour en faire une religion moderne chinoise. Cette tentative d’établir une religion d’État va pousser les deux autres grandes religions chinoises, le bouddhisme et le taoïsme, à se moderniser et à se démarquer des autres cultes chinois, pour éviter les répressions de l’Empire.

    On interdit peu à peu toute pratique religieuse superstitieuse comme la divination, les médiums, les guérisons par les dieux, etc. Le Guomindang, alors au pouvoir, va tenter de dominer la sphère religieuse en Chine et garder un contrôle sur les biens des institutions dogmatiques ainsi que sur les croyances populaires. Il est particulièrement intéressant de voir que, comme l’auteur le souligne lui-même, la répression religieuse n’apparait pas au même moment que le Parti communiste arrive au pouvoir. En effet, ce dernier va principalement suivre la même politique de contrôle que le Guomindang avait commencé à entreprendre et va maintenir sur la religion son emprise, et ce jusqu’à notre époque.

    En plus de faire une brève historiographie de la destruction des temples chinois, Vincent Goossaert tente de faire comprendre au lecteur la définition de la religion chinoise. Il explique aussi pourquoi les intellectuels et le gouvernement sont contre les représentants religieux, ce qui explique pourquoi la Chine n’accepte pas la hiérarchie religieuse, mais préfère une harmonie des cultes. L’auteur apporte son point de vue d’une manière objective et extérieure, de façon à éviter de tomber dans le piège de beaucoup d’historiens qui vont tenter de défendre la position du Parti communiste chinois.

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