samedi 9 février 2013

“Refashioning Festivals in Republican Guangzhou”

Texte de Catherine Gauthier
 
Poon, Shuk Wah, “Refashioning Festivals in Republican Guangzhou”, Modern China, (Avril 2004), pages 199-227.

    Shuk Wah Poon est assistante professeure dans le département d’histoire de l’Université Lingnan à Hong Kong. Elle est docteure en philosophie et se spécialise et s’intéresse entre autre aux religions populaires, à la Chine républicaine et à l’histoire d’Hong Kong. En 2010, elle publie un livre sur les religions de la Chine moderne, Negotiating Religion in Modern China : State and Common People in Guangzhou, 1900-1937, un sujet qu’elle traite aussi dans son article « Refashioning Festivals in Republican Guangzhou », où elle soutient que les efforts des autorités visant à éliminer les festivals ‘superstitieux’ n’ont pas mené aux déclins de ceux-ci, mais plutôt à l’intégration d’éléments des politiques modernes aux fêtes traditionnelles, ces dernières venant à coexister avec de nouveaux symboles.

    Dans l’article du Modern China, l’auteure présente d’abord la vision que le gouvernement républicain a des pratiques religieuses, comme quoi il perçoit les superstitions comme un frein à l’évolution de la Chine et de sa population (200). Les festivals traditionnels sont rapidement classées comme des superstitions de par leurs liens avec le céleste, les esprits et le calendrier lunaire. Ce dernier est d’ailleurs abolit en 1912 par Sun Yat-Sen au profit du calendrier solaire, avec lequel on tente de prioriser de nouvelles fêtes, comme la Fête Nationale ou encore l’anniversaire de Sun Yat-Sen (202). Alors que l’ancien calendrier suit, par exemple, la fête de dieux, les jours chanceux versus les malchanceux, les jours idéaux pour voyager et planter, etc., le nouveau calendrier cherche à délivrer la population des concepts superstitieux liés au ‘destin’ et à la ‘volonté  divine’ en mettant de l’avant des fêtes séculières dans le but de créer une société chinoise moderne.

  
    L’auteure se penche sur le cas de Guangzhou en y examinant deux fêtes traditionnelles, le Festival du Double Sept et le Festival des Esprits, et de l’implication gouvernementale quant aux restrictions anti-superstitions. La première fête était très populaire auprès des femmes car elle célébrait l’union de la Demoiselle Tisseuse (Weaving Maid) et du Vacher (Cowherd), une union que l’Empereur Céleste punit en séparant le couple, leur permettant de se voir uniquement le septième soir du septième mois lunaire, d’où le nom du Festival. Dans la culture populaire, le festival était en fait une réunion des filles non-mariées ou des filles mariées dans l’année, les premières, qui rivalisaient pour les plus belles offrandes dans le but d’avoir le meilleur mari, les secondes, pour célébrer leur arrivée dans leur nouvelle famille (206). Afin de modifier le caractère superstitieux du Festival, le Bureau de Sériciculture (élevage de vers à soie) s’emploie à remplacer le Festival du Double Sept par un festival célébrant Leizu et l’invention de l’élevage de vers à soie. Cette réforme vise à la fois à mettre fin au culte de la Demoiselle Tisseuse et du Vacher, à promouvoir la sériciculture et son importance dans l’économie chinoise, et finalement, à créer de l’emploi pour les femmes en leur accordant une indépendance sociale et économique propre (207). De fête, le nouveau Festival de Leizu prend la forme de foire, une exposition populaire sur la soie, mais celle-ci sera d’intérêt deux ans avant de mourir la troisième année de son existence, semble-t-il par manque de budget. Au final, le Festival du Double Sept n’est pas éradiqué mais est plutôt fusionné avec l’image de Leizu comme un symbole politique et économique, qui se joint à celle de la Demoiselle Tisseuse.

    Le second festival examiné par Poon est le Festival des Esprits, qui se rapporte à la croyance populaire chinoise des obligations filiales envers les morts. Le 7ème mois lunaire ouvrirait les portes de l’autre monde et les esprits en sont libérés, et il est donc nécessaire de faire des offrandes pour « pacifier les esprits » (213). Cette tradition est attaquée déjà au début des années 20, et c’est en 1929 que la SCRC lance une campagne de propagande contre l’offrande d’argent (burning of ritual money), mais malgré les interdictions, la tradition n’est pas stoppée. En effet, malgré l’opposition sociale et politique au Festival des Esprits, « le besoin psychologique de pacifier les esprits reste fort auprès de la population » (215) et leur permet aussi de soulager leur anxiété vis-à-vis les disparus et la mort. L’auteure note par exemple les cas de disparitions nombreuses, comme lors de la crise de choléra qui frappe Guangzhou en 1932 avant d’être suivie d’un typhon et de l’invasion japonaise de Shanghai. Le peuple ‘ressent’ le besoin de « repousser les mauvais esprits » (215) suite à ce genre d’évènements. Cette année là, l’hôpital de Fangbian apporte la modernisation qui obtient en quelque sorte l’appui du gouvernement. En novembre, l’hôpital organise une cérémonie pour commémorer/honorer les martyrs nationaux, les victimes d’incidents, les militaires et civils tombés contre les Japonais et les gens décédés à l’hôpital, une cérémonie qui sera perçue comme une sorte de Festival des Esprits. Le gouvernement intervient la première année sur la question d’effigies superstitieuses présentes lors des cérémonies, bien qu’il soit clair qu’il s’agisse d’un évènement à caractère religieux pour honorer les morts (221).

     Poon souligne que « les nouveaux symboles nationaux ont réussi à trouver leur place au sein des pratiques religieuses de la population » (221), comme vu dans le remaniement/modernisation des deux festivals traditionnels. Elle soutient que les restrictions culturelles imposées par l’État n’ont jamais étés absolues et que la population a su préserver ses traditions locales au travers des nouveaux symboles promus par le gouvernement républicain. Cette conservation des coutumes aurait « grandement amoindrit l’impact des campagnes anti-superstitions du gouvernement sur les religions populaires » (222). Elle conclut qu’alors que les rituels ont permit à la Chine de définir son identité nationale, les festivals refaçonnés ont aussi permit la définition d’une identité politique et culturelle via les nouveaux symboles officiels incorporés aux traditions religieuses. Pour le cours, ce texte démontre à l’aide d’exemple tirés de l’histoire l’implication étatique dans les croyances populaires, et dans le cas de Guangzhou et des Festivals des Esprits et du Double Sept, comment les restrictions et les nouveaux éléments imposés par le gouvernement ont plutôt été intégrés et ont modernisé d’anciennes pratiques plutôt que de les faire disparaitre.

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