samedi 2 février 2013

The Beginning of the End for Chinese Religion?

Texte de Myriam MATHIEU-BÉDARD

Vincent Goossaert, « 1898 : The Beginning of the End for Chinese Religion? », Journal of AsianStudies, 65-2, 2006, p. 307-336.

    Vincent Goossaert,dont les recherches portent sur l’histoire sociale de la religion chinoise moderne et les politiques religieuses (dont la question des temples et de l’anticléricalisme), est chercheur au CNRS à Paris.

     Dans « 1898 : The Beginning of the End for Chinese Religion? », Goossaert cherche à identifier et à expliquer les conditions sociales et intellectuelles,  à partir de 1898 et avant la Révolution républicaine (1911), qui ont permis d’enclencher en Chine vers 1904 le processus de destruction des temples et des politiques « anti-superstition », processus qui s’est poursuivi durant les 80 années suivantes. Le point de départ est juillet 1898, alors que Kang Youwei proposait de transformer les académies et les temples en écoles, ce qui aurait participé à la fois d’une volonté de créer un réseau d’écoles publiques, mais aussi d’une véritable « politique religieuse » qui visait à réformer la religion en débarrassant le pays des temples et de leur clergé. À partir de faits, d’idées et de textes (notamment de réformateurs ou penseurs politiques, de la presse ainsi que des textes officiels et des romans), Goossaert veut démontrer que le contenu des campagnes anti-superstitions(1926-1937) menées par le KMT existait déjà entre 1898 et 1911. Selon l’auteur, l’idée de la saisie/destruction des temples ne faisait pas simplement partie d’une tentative globale de modernisation afin de permettre la survie de la Chine dans le contexte impérialiste, mais a également instauré une nouvelle relation entre les institutions religieuses et l’État chinois.


    Goossaert tente donc d’établir les changements survenus vers 1898 dans le discours politique et social sur la religion chinoise (système de religion pluraliste qui comprend des pratiques individuelles, des célébrations communautaires et les religions institutionnalisées : bouddhisme, taoïsme et confucianisme), qui ont mis en branle la destruction de temples vers 1904. L’auteur s’attarde à clairement distinguer deux discours de l’élite/gentry. Avant 1898, il y a le premier discours,formé du fondamentalisme confucéen et de l’anticléricalisme (dirigé contre le clergé bouddhiste et taoïste) traditionnels, qui existait à la fin de la période impériale et était partie intégrante de la religion chinoise. Le fondamentalisme confucéen, opposé aux cultes locaux, et l’anticléricalisme (tout deux associés à la gentry) critiquaient les groupes sectaires, les « cultes inappropriés » et les médiums, les célébrations communautaires et la participation des membres des clergés bouddhistes et taoïstes à des activités sociales, mais sans impliquer une remise en question radicale de l’organisation religieuse (reposant sur les temples) de la société chinoise locale.

     Ce premier discours s’oppose au second, « anti-superstition », apparu au tournant du 20e siècle.Après 1898, les idées anticléricales et fondamentalistes se perpétuent (continuité), mais se mêlent à de nouveaux éléments dont le vocabulaire (et les idées) emprunté à l’Occident cherche à se distancer et à critiquer la religion chinoise, en adoptant un point de vue extérieur à celle-ci. On s’est alors mis - dans un phénomène complexe notamment influencé par le christianisme et dans le cadre d’une campagne visant à « réformer les usages » - à séparer la religion de la superstition, notamment dans la presse, des pamphlets et des romans. Le discours anti-superstition visait directement l’organisation de la société chinoise locale et était dirigé à la fois contre les cibles précédentes groupées pour former « la superstition », mais aussi certaines pratiques confucéennes de l’élite tenant ce discours. C’est avec le discours anti-superstition, la révolte des Boxers, etc., vers 1904 et avec un certain assentiment du gouvernement, que la saisie, la destruction des temples et l’iconoclasme ont véritablement commencées.

    D’autre part, Goossaert déplore que l’aspect religieux des réformes/confiscations et destructions de temples n’est pas assez traité dans l’historiographie et argumente que la saisie des temples n’a jamais été purement dans le but de les transformer en écoles, mais participait aussi d’un conflit religieux. L’article souligne ainsi la différence entre les projets des réformateurs concernant les temples vers 1898, qui révèlent des visions divergentes de la religion, et présente entre autres un éditorial anticlérical du quotidien Shenbao qui démontre que les idées de réforme religieuse et éducative étaient aussi importantes l’une que l’autre.

     De façon pertinente, en observant les changements dans le discours de la gentry/élite sur la religion chinoise, Goossaert présente « de l’intérieur » le processus qui a permis le passage entre la gestion de la question religieuse à la fin de l’ère dynastique(qui reconnaissait les clergés institutionnalisés et certains cultes tout en tentant de les contrôler) et celle, fort différente, de la période républicaine (où l’État, influencé par l’Occident, reconnaissait certaines religions et interdisait toute autre activité religieuse publique, ce qui altérait radicalement ce qu’était la religion chinoise « licite »). L’auteur conclut en constatant l’échec des tentatives du mouvement « anti-superstition » pour mettre un terme à la « religion chinoise », malgré les modifications/destructions subies depuis 1898.

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